Mise en contexte
Le nerprun bourdaine est une espèce arbustive exotique, originaire d’Europe et d’Asie. Elle a été introduite en Amérique du Nord aux premiers temps de la colonisation, mais ce n’est qu’à la toute fin des années 1800 que les premières observations en nature sont faites en Ontario. En l’espace d’à peine un siècle, le nerprun bourdaine s’est propagé si efficacement qu’il est aujourd’hui considéré comme une réelle menace pour la biodiversité et la production forestière. Sa croissance rapide, sa tolérance à l’ombre, sa capacité de reproduction végétative par marcottage et son affinité pour les milieux autant secs qu’humides font du nerprun une des pires espèces exotiques envahissantes au Québec. De plus, chaque individu produit de nombreux fruits qui sont consommés par plusieurs oiseaux et mammifères, une situation qui contribue à la dispersion rapide des graines de nerprun. Les graines du nerprun ont un taux de germination exceptionnel (plus de 90 %). Une fois bien établi, le nerprun peut former des fourrées arbustives denses qui bloquent la lumière pour les semis des espèces forestières.
Ainsi, la présence grandissant du nerprun dans le sud de la province fait en sorte qu’il pourrait nuire à la régénération naturelle en forêt, mais également miner les efforts d’enrichissement dans les peuplements dégradés et les plantations envahies par le nerprun. Se débarrasser du nerprun est également un casse-tête pour les aménagistes qui ont identifié la lutte chimique (phytocide) comme le seul moyen vraiment efficace pour contrer l’envahisseur. Cette situation alarmante a motivé la tenue d’une étude afin de tenter de déterminer l’habitat préférentiel de cette espèce dans les Cantons-de-l’Est.
Sites d’études
Dans le but d’accroître nos connaissances sur la présence du nerprun bourdaine dans les Cantons-de-l’Est, nous avons tenté de déterminer son ou ses milieux de prédilection lors d’une campagne d’échantillonnage réalisée à l’automne 2011, dans la région de Sherbrooke. Un total de 30 parcelles (400 m2/parcelle) a été échantillonné chez différents propriétaires privés. Ces parcelles ont été choisies de façon à représenter un gradient d’abondance du nerprun et un gradient de conditions écologiques (altitude, drainage, types, âges et composition des peuplements, ouverture du couvert forestier, etc.). Cet échantillonnage a été effectué exclusivement dans des forêts secondaires (régénérées après coupe pour la plupart).
Résultats préliminaires
Un inventaire floristique et la mesure des variables environnementales ont été réalisés dans chaque parcelle. Pour le moment, nos résultats suggèrent que :
Malgré des caractéristiques de site et des abondances de nerprun bourdaine fort variées, les analyses n’ont pas permis d’identifier de liens solides entre la présence du nerprun bourdaine et le type de milieu, des caractéristiques écologiques ou des caractéristiques de sol.
- Certains végétaux apparaissent comme espèces compagnes du nerprun (gadellier lacustre, mousses, aulne rugueux). Ces espèces sont caractéristiques des sols mal drainés et acides, des milieux favorables au nerprun.
- À l’inverse, le nerprun est moins abondant en présence du hêtre et du frêne blanc, deux espèces prospérant sur les sols bien drainés.
- Le nerprun semble coloniser autant les milieux ouverts que le sous-bois des forêts.
- Pour le moment, aucun effet négatif du nerprun bourdaine sur la richesse des espèces herbacées et arbustives ou sur le nombre de semis d’arbres n’a été observé.
Notre étude exploratoire permet de penser que le nerprun bourdaine peut s’implanter essentiellement partout. Il est donc très plausible que le nerprun se comporte telle une espèce plutôt généraliste sur le territoire des Cantons-de-l’Est, tel qu’observé dans d’autres régions. La Fiducie cherche présentement à accroître son réseau de parcelles de façon à mieux comprendre la distribution et la dynamique du nerprun bourdaine dans le sud du Québec. À terme, nous cherchons à identifier un seuil d’abondance au-delà duquel le nerprun devient problématique pour l’aménagement forestier.
Documents
Un article de vulgarisation a été publié en lien avec ce projet :
– Schoeb, J., B. Truax, et D. Gagnon. 2012. Le nerprun bourdaine, un envahisseur à la conquête des forêts du sud du Québec. Progrès Forestier (Printemps 2012):8-12. www.afm.qc.ca/UTCF/APF_NerprunB.pdf