Mise en contexte
Coupe d'un peuplier hybride
En raison de leur forte productivité, les essences à croissance rapide, comme le peuplier hybride, sont un outil intéressant pour accroître les rendements en bois et en biomasse sur des petites superficies. Toutefois, peu de connaissances ont été acquises sur le réel potentiel du peuplier hybride à fournir d’importantes quantités de bois sur de courtes rotations (environ 15 ans) dans le sud du Québec. Cette situation s’explique par le fait que les forestiers québécois ont choisi principalement de convertir des forêts naturelles en plantation de peuplier plutôt que d’opter pour une populiculture basée sur l’afforestation (ou le boisement), c’est-à-dire la plantation d’arbres là où il n’y pas de forêt.

 

L’intensification de l’agriculture au cours des 60 dernières années a fait en sorte que des dizaines de milliers d’hectares de terres agricoles moins productives ont été laissées à l’abandon un peu partout au Québec. Ces terres en friche sont souvent de fertilité inégale selon les secteurs. Elles offrent donc un potentiel irrégulier pour la production intensive de bois ou de biomasse. Il est essentiel de déterminer les facteurs environnementaux qui influencent le potentiel de production ligneux des friches agricoles du sud du Québec. Une fois identifiés, ces facteurs peuvent ensuite être utilisés pour identifier des sites propices à la culture du peuplier.

 

Dispositif de recherche
rendement des peupliers hybrides sur des terres agricoles abandonnées

En mai 2000, 10 plantations de peuplier hybride ont été établies par Benoit Truax chez des propriétaires privés de l’Estrie et de la Montérégie. Ces plantations ont été établies le long d’un gradient de climat (ou d’altitude) et de fertilité des sols. Ce dispositif, unique au Canada, s’étend des Basses Terres du Saint-Laurent (site de Bedford, 80 m d’altitude), jusqu’aux collines qui bordent le Mont-Mégantic (site de Stornoway, 450 m d’altitude). Les plantations ont toutes été aménagées de la même façon et plantées la même semaine avec les mêmes cultivars (clones) de peuplier hybride. La recette sylvicole utilisée pour établir ces plantations a été la suivante :

  • Labour et hersage du sol à l’automne précédent la mise en terre des plants.
  • Mise en terre des plants à racines nues de peuplier au printemps avec un espacement de 4 x 3 m
    (833 tiges/ha).
  • Répression de la végétation concurrente grâce à l’application d’un phytocide (glyphosate) sur l’ensemble de la plantation en juin 2000 et entre les rangées d’arbres en juin 2001.
  • Aucune fertilisation n’a été réalisée et aucun répulsif à cerf de Virginie n’a été employé.

 

Initialement, le dispositif comprenait 9 clones de peuplier hybride et 10 sites. Toutefois, pour l’étude du rendement des plantations seulement 8 sites et 5 clones non apparentés ont été retenus : Populus trichocarpa x deltoides (TxD-3230), P. deltoides x nigra (DxN-3570), P. canadensis x maximowiczii (DNxM- 915508), P. nigra x maximowiczii (NxM-3729) et P. maximowiczii x balsamifera (MxB- 915311).

 

insertion_milieu_agricole
Faits saillants

Après 8 saisons de croissance, les principaux résultats de recherche sont les suivants :

  • Un rendement moyen (moyenne de 5 clones) aussi élevé que
    22 m3/ha/an a été obtenu au site fertile et le plus chaud de Bedford (80 m d’altitude).
  • Un rendement moyen avoisinant 1 m3/ha/an a été obtenu au site pauvre et le plus froid de Stornoway (450 m d’altitude).
  • Le phosphore (P) disponible dans le sol est très fortement et positivement corrélé au rendement du peuplier hybride.
  • L’altitude (un bon estimateur de la durée de la saison de croissance) est très fortement et négativement corrélée au rendement du peuplier hybride.
  • Sur les sites plus frais (haute altitude), mais fertiles, il est important d’opter pour des clones apparentés à la section des peupliers baumiers ((Populus balsamifera (code B) et Populus maximowiczii (code M)) en raison de leur plus grande rusticité (ex : MxB-915311, DNxM-915508).
  • Les dommages causés par le cerf sont moins importants sur les sites riches, car les arbres poussent très rapidement et sont plus vigoureux.
  • Les clones apparentés à la section des peupliers baumiers sont les moins broutés par le cerf.

 

En conclusion, ces résultats témoignent de la grande sensibilité du peuplier hybride à la qualité du site de plantation. Les basses terres fertiles s’avèrent des sites idéaux pour la populiculture. Néanmoins, il est possible d’obtenir de bons rendements (10-20 m3/ha/an) sur des sites plus frais, mais fertiles, lorsque les bons clones sont sélectionnés. Enfin, il faut souligner que les terrains peu fertiles ne doivent pas être boisés avec du peuplier hybride, car les rendements y seront très décevants. D’autres espèces plus tolérantes aux sols pauvres comme le pin rouge auront de meilleurs rendements que le peuplier hybride sur ces sites.

 

 

Documentation et projet en cours

Un projet de recherche est présentement en cours dans ce dispositif afin d’évaluer les rendements après 13 ans pour ces mêmes plantations. Pour le moment, deux articles scientifiques et un article de vulgarisation sont disponibles en lien avec le projet.

–       Truax, B., D. Gagnon, J. Fortier, et F. Lambert. 2012. Yield in 8 year-old hybrid poplar plantations on abandoned farmland along climatic and soil fertility gradients. Forest Ecology and Management 267:228-239. www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0378112711007432

–       Fortier, J., B. Truax, D. Gagnon, et F. Lambert. 2012. Hybrid poplar yields in Québec: Implications for a sustainable forest zoning management system. The Forestry Chronicle 88:391-407. http://pubs.cif-ifc.org/doi/abs/10.5558/tfc2012-075

–       Truax, B., D. Gagnon, J. Fortier, et F. Lambert. 2012. Choisir une friche propice à la culture du peuplier hybride et estimer le rendement d’une plantation. Progrès Forestier (Été 2012):8-13. www.afsq.org/progres_forestier/archives/sylviculture/2012-Ete-plantation.pdf