Mise en contexte
Depuis deux siècles, l’exploitation forestière à des fins commerciales et la colonisation du territoire ont grandement appauvri les écosystèmes forestiers du sud du Québec. Présentement, les données d’inventaire indiquent que le territoire estrien compte plus de 100 000 hectares de forêts dégradées. Ces forêts pourraient être restaurées et enrichies, en bonne partie, par la plantation de feuillus nobles (chênes, noyers, caryers, cerisiers, etc.), dont certains sont de plus en plus rares dans la région. L’enrichissement pourrait également s’appliquer à certains résineux de valeur, autrefois plus abondant, comme le pin blanc.
L’enrichissement de peuplements, appelé également plantation en sous-couvert ou en sous-bois, consiste à insérer une essence désirée sous un couvert forestier dégradé ou arbustif, afin d’accélérer la succession forestière. Le couvert forestier sous lequel on intervient peut être préalablement éclairci de façon naturelle (chablis, insectes) ou artificielle (coupe), ce qui favorise une bonne disponibilité de la lumière et des nutriments pour les plants reboisés. En croissant en sous-bois, les arbres plantés auront un port plus droit et ils bénéficieront d’une protection accrue contre le gel, l’insolation, la descente de cime, les insectes et le broutage par le cerf de Virginie.
Ce type d’aménagement produit des arbres de grande valeur pour l’industrie, en plus d’être résilient face aux aléas de la nature. L’enrichissement contribue aussi à ramener une certaine biodiversité dans les forêts dégradées, en plus de contribuer à augmenter la valeur économique et esthétique des peuplements.
Nous avons entrepris dès 1991, à Saint-Benoît-du-Lac en Estrie, une série d’expériences d’enrichissement afin d’identifier le milieu de reboisement optimal pour différents feuillus nobles dans le sud du Québec. Saint-Benoît-du-Lac est une station de recherche idéale puisqu’elle présente une grande diversité de peuplements dégradés (feuillus vs. résineux, jeunes vs. vieux, arborescents vs. arbustifs), tous situés sur le même terrain (sols et climat identiques) et très représentatifs du territoire agroforestier des Cantons-de-l’Est.
Faits saillants
Après plus de 20 années de suivi, nos résultats ont montré les éléments suivants :
Les jeunes peuplements composés de gaulis ou de feuillus arbustifs, comme les aulnaies, sont optimaux pour l’enrichissement avec le chêne à gros fruits qui tolère moins bien l’ombre que le chêne rouge.
- Le chêne rouge présente une croissance optimale dans les jeunes peuplements forestiers composés d’espèces pionnières feuillues (peuplier faux-tremble, bouleau gris et érable rouge) et issus de l’abandon de culture.
- Les peuplements de feuillus pionniers sont susceptibles au chablis, une perturbation naturelle qui ouvre le couvert forestier et qui favorise la croissance des plants d’arbres reboisés en sous-bois.
- Les chênes plantés en sous-bois sont très
résilients face au chablis en raison deleur capacité à faire des rejets de souche suite à un bris mécanique causé par la chute des arbres dominants.
- Plus le chablis est sévère, plus la croissance deschênes est importante suite à la perturbation.
- Les chablis créent des amoncellements de débris ligneux au sol, ce qui restreint les déplacements du cerf de Virginie et protège les chênes du broutage.
- Lorsque le cerf de Virginie est trop abondant, l’utilisation de manchons forestiers est une condition essentielle au succès d’enrichissement.
Ces résultats sont d’une grande importance puisque les peuplements dominés par les espèces pionnières feuillues sont très abondants dans le Québec méridional. De plus, ces peuplements feuillus sont faciles à éclaircir par des coupes partielles, avant ou après l’enrichissement. Ils sont donc tout indiqués pour pratiquer une foresterie de précision qui aurait pour objectif de favoriser une croissance optimale et le développement d’un tronc droit (qualité sciage) pour des feuillus nobles plantés en sous-bois.
Documentation
Un article scientifique a été publié en lien avec ce projet :
– Truax, B., F. Lambert, et D. Gagnon. 2000. Herbicide-free plantations of oaks and ashes along a gradient of open to forested mesic environments. Forest Ecology and Management 137:155-169. www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0378112799003242