Souris sylvestre

Souris sylvestre

Mise en contexte

Mis à part leur énorme potentiel pour la production de bois et de biomasse, les bandes riveraines de peuplier peuvent également être aménagées dans une perspective de restauration de divers services écosystémiques sur la ferme (habitats pour la faune et la flore, réduction de la pollution diffuse, stockage du carbone, réduction de l’érosion, etc.). Plusieurs études de la Fiducie ont été effectuées ces dernières années afin d’évaluer le potentiel des bandes de peuplier pour restaurer ces services écosystémiques.

 

Dispositif expérimental

L’évaluation des services écosystémiques fournis par les bandes de peuplier en milieu agricole s’est faite dans le même dispositif expérimental que celui utilisé pour évaluer le potentiel de production de bois et de biomasse. Dans bien des cas, nous avons comparé les services écosystémiques fournis par les bandes de peuplier à ceux fournis par les bandes herbacées et les boisés riverains adjacents.

 

Faits saillants

Les bandes de peuplier créent un habitat favorable pour la flore indigène riveraine

Une étude réalisée lors de la 6e saison de croissance montrait déjà que les bandes riveraines de peuplier créent un microclimat favorable aux plantes indigènes.

 

Les principaux résultats de l’étude sont les suivants :

  • Impatiente du cap

    Impatiente du cap

    86 espèces végétales ont été inventoriées dans des parcelles échantillon dans les bandes de peuplier, dont plus de la moitié étaient indigènes et 26 étaient des plantes de milieux humides. Un nombre plus élevé d’espèces aurait été inventorié si la superficie totale des bandes avait été échantillonnée.

  • Plus les peupliers créent de l’ombrage en bordure des petits cours d’eau, plus ils réduisent l’abondance et la diversité des plantes exotiques (introduites) puisque celles-ci sont souvent très intolérantes à l’ombre.
  • Ces conditions d’ombrage n’affectent pas l’abondance et la diversité des plantes indigènes souvent plus tolérantes à l’ombre que les plantes exotiques. Par exemple, l’impatiente du cap croît en abondance dans les bandes de peuplier.
  • Plusieurs plantes ligneuses se sont établies naturellement dans les bandes de peuplier, notamment le pin blanc, le mélèze, l’érable à sucre, l’aulne rugueux, les saules, le cornouiller stolonifère et le cerisier de Virginie.
  • Plus les peupliers forment un couvert dense, plus ils réduisent la biomasse des plantes herbacées en sous-bois, ce qui inclut également une diminution de la biomasse des mauvaises herbes pour les cultures agricoles.

 

En conclusion, l’ombrage créé par les bandes de peuplier en bordure des petits cours d’eau agricoles réduit la colonisation du milieu par les plantes exotiques envahissantes, souvent très abondantes en milieux riverains agricoles. Cette situation est bénéfique pour la flore indigène qui n’est pas affectée par l’ombrage que créent les peupliers.

 

Les bandes de peuplier créent un habitat favorable pour la faune riveraine

Une étude réalisée lors de la 9e saison de croissance montre que les bandes riveraines de peuplier créent un habitat favorable pour la faune.

 

Les principaux résultats de l’étude sont les suivants :

  • Hermine

    Hermine

    Un total de 9 espèces de petits mammifères ont été capturés dans les trois habitats riverains échantillonnés (forêt, bande de peuplier et bande herbacée).

  • 7 espèces ont été capturées en forêt dont 3 exclusivement dans ce milieu (campagnol à dos roux, souris à pattes blanches, hermine).
  • Les 4 espèces capturées en bande de peuplier ont aussi été capturées en forêt. Trois de ces espèces (la musaraigne cendrée, la souris sylvestre et la souris sauteuse des bois) sont des espèces typiquement forestières. Ces dernières n’ont pas été capturées dans les bandes herbacées (sans arbres).
  • 3 espèces ont été capturées en bandes herbacées dont deux exclusivement dans ce milieu, soit le campagnol des champs (mulot) et la souris sauteuse des champs.
  • La grande musaraigne est l’espèce qui a été capturée le plus souvent, avec le plus grand nombre de captures effectuées en bande de peuplier.
  • Bien que l’hermine n’ait été capturée qu’en forêt, elle a été observée à plusieurs reprises dans les bandes herbacées et les bandes de peuplier.
  • 40 % des peupliers des bandes riveraines possédaient des traces d’excavation par les pics, surtout celles du pic maculé.

 

En conclusion, ces résultats vont à l’encontre du mythe stipulant que les bandes riveraines sont des refuges pour les espèces nuisibles aux cultures. Aucun campagnol des champs (mulot) n’a été capturé dans les bandes de peuplier. Les deux espèces de musaraignes capturées sous les peupliers sont des prédateurs d’insectes et les deux espèces de souris capturées ne fréquentent pas les champs agricoles. D’autres observations ponctuelles sur le terrain suggèrent que les bandes de peuplier sont également utilisées par les espèces suivantes : cerf de Virginie, orignal, castor, plusieurs oiseaux, dont le grand pic, diverses espèces de salamandres, de grenouilles et de couleuvres.

 

Puisqu’il transforme rapidement un milieu ouvert en milieu boisé, le peuplier hybride offre un bon potentiel pour créer rapidement des corridors forestiers visant à relier des fragments de forêts naturelles isolés par le développement urbain et agricole.

 

Les bandes de peuplier ont un effet neutre sur les poissons

Une étude réalisée lors de la 9e saison de croissance montre que les bandes riveraines de peuplier n’ont pas d’impact sur la faune piscicole.

 

Les principaux résultats de l’étude sont les suivants :

  • Truite brune

    Truite brune

    Aucune espèce de poisson ne se retrouve de façon significativement plus abondante dans un des trois habitats étudiés (champ agricole, bande de peuplier et forêt).

  • Plus d’espèces de poissons (16 espèces) se trouvent en milieu ouvert (champs agricoles) comparativement au milieu ombragé (bande de peuplier et forêt).
  • La diversité des poissons sous les bandes riveraines de peuplier est identique à celle retrouvée sous la forêt naturelle.
  • À part l’ombrage, on observe très peu de différences entre les types d’habitat pour les caractéristiques du milieu aquatique. Toutefois, la présence de grosses roches (diamètre > 50 cm) était plus élevée dans les portions de ruisseau en forêt naturelle.
  • La présence de larves de certaines familles de trichoptères (insectes), trouvées surtout dans les portions de ruisseau localisées en forêt et en bande de peuplier (80 % des individus), montre que la qualité de l’eau y est très bonne.

 

En conclusion, ces résultats suggèrent que les bandes riveraines de peuplier ne nuisent pas à la diversité des poissons des ruisseaux agricoles. Toutefois, les activités agricoles ont souvent mené à la transformation physique des petits cours d’eau, une perturbation de l’habitat aquatique qui ne s’efface pas si facilement, même avec les années. Par conséquent, les méandres, les fosses naturelles et les sédiments grossiers (gravier, cailloux, roches) ne peuvent pas être recréés, à court terme, par la seule plantation d’arbres.

 

Néanmoins, d’autres observations réalisées sur le terrain, alors que les bandes de peuplier avaient 6 ans, suggéraient des écarts de température de l’eau importants (de l’ordre de 10°C) entre le milieu ouvert et la bande de peuplier. Ces grands écarts de température étaient uniquement observés durant les journées chaudes de l’été, sur les ruisseaux où le débit était faible. Durant l’été, le périphyton (algues ancrées sur les roches) était également beaucoup plus abondant dans les sections de cours d’eau en milieu ouvert que dans les sections de cours d’eau où les peupliers créaient de l’ombre.

 

Les peupliers augmentent le stockage du carbone, de l’azote et du phosphore dans les bandes riveraines agricoles

Durant la 9e saison de croissance, nous avons étudié le stockage du carbone, de l’azote et du phosphore dans les différents compartiments des bandes riveraines de peuplier, mais également dans des bandes herbacées non aménagées et les boisés riverains adjacents.

 

Les principaux résultats de cette étude sont les suivants :

  • Les peupliers augmentent le stockage du carbone, de l'azote et du phosphoreAprès 9 ans, les bandes de peuplier stockent dans leur biomasse de 4 à 10 fois plus d’azote et de 3 à 7 fois plus de phosphore que les bandes herbacées.
  • Les flux de nitrate et de phosphore dans les sols riverains des bandes de peuplier étaient respectivement 57 % et 66 % inférieurs à ceux des bandes herbacées.
  • Le remplacement des bandes herbacées par des bandes de peuplier pourrait accroître le stockage du carbone de 2,2 – 7,6 t/ha/an, malgré que ce remplacement puisse causer, à court terme, un déclin du carbone du sol sur certains sites.
  • Les stocks de carbone, d’azote et de phosphore mesurés dans les bandes riveraines de peuplier (9 ans) étaient similaires ou supérieurs à ceux du boisé riverain dominé par le bouleau gris (27 ans).

 

Ces résultats montrent le potentiel des bandes de peuplier pour accroître le stockage à long terme de deux nutriments largement responsables de la pollution diffuse des cours d’eau agricole, soit l’azote et le phosphore. L’augmentation du stockage de ces deux nutriments s’est également traduite par une diminution du flux de nitrate et de phosphore dans les sols riverains.

 

Parallèlement, le remplacement de bandes herbacées par des bandes de peuplier hybride s’avère également une solution efficace pour améliorer le stockage du carbone sur la ferme. De plus, le peuplier peut accélérer la vitesse à laquelle les stocks de nutriments et de carbone vont être restaurés dans la biomasse végétale en zone riveraine par rapport à une stratégie non interventionniste misant sur la succession naturelle.

 

Les peupliers augmentent la biomasse racinaire et la profondeur d’enracinement des bandes riveraines

Au cours de la 9e saison de croissance, nous avons évalué la biomasse et la distribution des grosses racines (diamètre > 2 mm) et des racines fines (diamètre < 2 mm) dans trois types de systèmes riverains (bandes de peupliers, bandes herbacées et boisés naturels).

 

Les principaux résultats sont les suivants :

  • Dans les 20 premiers cm de sol, les bandes de peuplier avait une biomasse de racines fines similaire ou inférieure aux bandes herbacées, une tendance qui s’inversait dans les parties plus profondes de sol.
  • Le peuplier avait une biomasse de grosses racines largement supérieure aux bandes herbacées, à toutes les profondeurs échantillonnées (0-20, 20-40 et 40-60 cm de profondeur).
  • Par rapport à d’autres essences ligneuses, le peuplier hybride avait un enracinement relativement profond même si la majorité des racines étaient situées dans la partie du sol la plus près de la surface
    (0-20 cm).

 

En conclusion, cette étude suggère que l’inclusion de peupliers hybrides dans une bande riveraine en milieu agricole augmente le volume de sol qui est colonisé par les racines. L’importante biomasse racinaire et la grande profondeur d’enracinement du peuplier vont améliorer la stabilité du sol et des berges, et également accroître la capacité des bandes riveraines à intercepter les nutriments qui circulent en profondeur dans les sols agricoles, notamment le nitrate. D’autres observations sur le terrain indiquent que les peupliers implantés en bandes riveraines peuvent également déployer leurs racines latéralement sous les cultures adjacentes, mais également directement dans le cours d’eau afin d’y puiser eau et nutriments.

 

Documentation

Trois articles scientifiques, quatre articles de vulgarisation, deux mémoires de maîtrise et une fiche technique sont disponibles en lien avec ce projet.

–       Fortier, J., B. Truax, D. Gagnon, et F. Lambert. 2014. Racines et carbone dans le sol de bandes riveraines de peuplier hybride. Progrès Forestier (Hiver 2014):8-12. www.afsq.org/excursion_conference/documents/racines_carbone_bandes_riveraines_peuplier_hybride.pdf

–       Fortier, J., B. Truax, D. Gagnon, et F. Lambert. 2013. Root biomass and soil carbon distribution in hybrid poplar riparian buffers, herbaceous riparian buffers and natural riparian woodlots on farmland. SpringerPlus 2:539. www.springerplus.com/content/2/1/539

–       Pageault, D., D. Gagnon, et B. Truax. 2013. Bandes riveraines de peupliers hybrides, un bon habitat pour la faune? Progrès Forestier (Printemps 2013):9-12. www.afsq.org/excursion_conference/documents/bandes_riveraines_peupliers_hybrides_habitat_faune.pdf

–       Pageault, D. 2013. Mémoire de maîtrise en Sciences de l’environnement, Université du Québec à Montréal, Montréal (QC), Canada.

–       Simavi, M. A. 2012. Effet de plantations de bandes riveraines d’arbres sur l’abondance et la répartition de la faune aquatique dans des ruisseaux dégradés de milieux agricoles dans les Cantons-de-l’Est. Mémoire de maîtrise en Sciences de l’environnement, Université du Québec à Montréal, Montréal (QC), Canada. www.archipel.uqam.ca/5338/

–       Simavi, A., D. Gagnon, et B. Truax. 2012. Les ruisseaux sous les bandes riveraines de peupliers hybrides, un bon habitat à poisons? Progrès Forestier (Été 2012):34-38. www.afsq.org/progres_forestier/archives/faune/2012-Ete-poisson.pdf

–       Fortier, J., B. Truax et D. Gagnon. 2012. Peuplier hybride en zone riveraine : Améliorer l’agroenvironnement tout en produisant du bois. Agriculture et Agroalimentaire Canada. Fiche technique. 2e Édition, revue et augmentée.12 p.
www.agrireseau.qc.ca/Agroforesterie/documents/Brochure_PEH_Zone_Riveraine_2012.pdf

–       Fortier, J., D. Gagnon, B. Truax, et F. Lambert. 2011. Understory plant diversity and biomass in hybrid poplar riparian buffer strips in pastures. New Forests 42:241-265. http://link.springer.com/article/10.1007/s11056-011-9250-3

–       Fortier, J., D. Gagnon, B. Truax, et F. Lambert. 2011. Bandes riveraines de peupliers en milieu agricole: un gain pour la biodiversité. Progrès Forestier (Printemps 2011):4-7. www.afsq.org/excursion_conference/documents/bandes_riveraines_peupliers_milieu_agricole_biodiversite.pdf

–       Fortier, J., D. Gagnon, B. Truax, et F. Lambert. 2010. Nutrient accumulation and carbon sequestration in 6 year-old hybrid poplars in multiclonal agricultural riparian buffer strips. Agriculture, Ecosystems & Environment 137:276-287. www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0167880910000617